Rastalution

Publié le par Benjamin Mimouni

Junior Byles

Junior Byles

Cette semaine, mon chanteur préféré est Junior Byles, qui a également fait parler de lui sous son vrai nom, Kerrie Byles, et aussi en tant que Chubby ou King Chubby. Il fait partie de ceux qui ont presque réussi à graver leur nom au panthéon de la musique jamaïcaine, presque, mais ont failli de peu. À son palmarès toutefois, deux énormes chansons : Beat Down Babylon, utilisée par Michael Manley pour sa campagne électorale de 1972, et Curly Locks.

Le pauvre Junior Byles a une santé mentale plutôt fragile, autant dire que c'est un grand dépressif (downpression man), à tel point qu'il a tenté de mettre fin à ses jours en 1975, à la mort de Halié Sélassié. Depuis lors, il ne fait plus tellement parler de lui. Une réédition par-ci par-là, une brève apparition sur scène...

Dans Beat Down Babylon, il affirme être un vrai rasta, droit dans ses bottes : « a righteous rastaman ». En ce sens, ses mots sont des vraies armes, qui lui servent à résister à Babylone . Comme dans bien d'autres chansons, le décor est posé dès les quatre premiers vers :

« Seh mi nah like the kinda Babylon

Seh mi nah like the kinda wicked men

For I am a righteous Rastaman

And I am a dread dread one I man ».

Vous me voyez comme une mauvaise personne et un homme vicieux car je suis un rasta et un dreadlock.

Puis vient le refrain, terrible :

« I and I go beat down Babylon

I and I must whip den wicked men ».

Je vais faire tomber Babylone et punir les mauvaises gens. (Et oui au pluriel « gens » devient féminin).

On est dans les thèmes de Max Romeo et de Lacksley Castell, les thèmes rasta par excellence. Je pense que tout le monde commence à bien saisir le contexte au bout du 37ème article (et oui le temps passe et les textes s'accumulent, merci de votre fidélité).

À noter que cette chanson est une production de Lee Perry, du coup le mot « whip », fouetter, est souligné d'un coup de fouet sonore vraiment saisissant et qui donne beaucoup de substance à la chanson, tant dans sa forme que dans son sens profond. Scratch est assez génial pour arranger ce genre de bidouillages sonore : faire coller la musique au textes et appuyer au bon endroit au bon moment avec la bonne intensité, sans en faire trop.

Beat Down Babylon

Beat Down Babylon

Il existe un medley des deux plus gros tubes de Junior Byles qu'on trouve sur l'album Jordan: Medley : Beat Down Babylon/Curly Locks, mais la production n'arrive jamais à la cheville de celle de Lee Perry, même si cette version a le mérite de proposer un rythme plus enlevé assez intéressant.

Une dernière petite chose :

« Oh what a wicked situation

I and I starving

This might cause a revolution

And a dangerous pollution ».

Ce pauvre Junior Byles ne voit vraiment pas la vie en rose. C'est une situation merdique, on crève de faim. Ça pourrait déclencher une révolution et pourrir l'ambiance.

Longtemps j'ai cru que le dernier vers disait :

« And a day the Rastalution », un mot qui ferait la synthèse entre rasta et révolution (comme le « shitstem » de Peter Tosh). Ce n'est malheureusement pas le cas, mais l'idée me plaisait bien. Alors j'en ai fait le titre de cet article. Rastalution. Ça aurait même pu être le nom du blog. Mais je voulais parler du reggae au sens large, pas uniquement des rastas, même si je parle souvent des rastas.

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