Another one bad superstar

Publié le par BM

Dennis Brown Money In My Pocket

Dennis Brown Money In My Pocket

Cette semaine, mon chanteur préféré est Dennis Brown, le petit prince du reggae (« Crown prince of reggae »). On a déjà pu le croiser à plusiers reprises au détour de ces chroniques, en compagnie de Niney The Observer, son producteur préféré, ou de celui qui lui donna ses plus belles chansons, Derrick Harriott, le premier à l'enregistrer (Lips Of Wine), ou encore de Gregory Isaacs, première Bad Superstar apparue dans ces lignes, mais il n'avait pas encore eu le droit à son article. C'est maintenant chose faite. Il était temps.

Car Dennis Brown, ce n'est tout de même pas rien : plus de quarante albums, et pas des moindres, en quarante ans de carrière, le calcul est vite fait. Bob Marley le considérait comme son chanteur préféré. C'est d'ailleurs une chose étonnante que de voir la trajectoire de ces deux-là se croiser. Au milieu des années 70, quand les jamaïcains commencent à se détourner d'un Bob Marley exilé, au son trop occidental à leurs oreilles, c'est vers Dennis Brown qu'ils se tournent. Et ils n'ont jamais cessé de l'aimer, lui pardonnant ses excès (on parle de cocaïne, bien qu'il ait toujours nié l'usage de drogues dures) et son soi-disant renoncement à la foi ratafari (à cause de la boucle d'oreille qu'il a arborée à un moment de sa carrière). Rien n'a jamais amoindri l'admiration que lui vouait le public. La sincérité et l'émotion dans sa voix ont emporté tous les suffrages, qu'il interprète ses propres chansons ou s'essaye à la reprise (son premier succès, No Man Is An Island, en est une, Dancing Mood en est une autre, il citait d'ailleurs Delroy Wilson comme un exemple et une source d'admiration, ou, plus exotique, Whiter Shade Of Pale de Procol Harum, Long And Winding Road signée Lennon et McCartney). Et ce dès son plus jeune âge. À cinq ans, il commence à chanter, à onze il intègre son premier groupe, The Fabulous Falcons, se fait remarquer par Byron Lee et commence à tourner avec les Dragonnaires, à douze ans il enregistre son premier titre avec Derrick Harriott. Un an plus tard, il a déjà enregistré trente titres avec Coxson Dodd et ses deux premiers albums sortent : No Man Is An Island et I Follow My Heart.

 

Dennis Brown Wolves And Leopards

Dennis Brown Wolves And Leopards

En 72, il place cinq morceaux dans les charts jamaïcains, dont le terrible Money In My Pocket. Il n'a que quinze ans et remporte le titre du chanteur le plus prometteur.

Son début de carrière est mené tambour battant. Il gagne sa place de taulier du lovers rock mais ne se contente pas de chansons d'amour. Il est aussi capable d'envoyer, au même titre que les artistes dits conscious, des morceaux sur les ghettos ou la foi rasta

(« Whip them Jah Jah

Whip them Lord »).

Sa voix magique, cette voix qu'il est capable d'envoyer dans l'espace, a souvent apporté une lueur d'espoir aux jeunes laissés pour compte du ghetto. Car chaque fois qu'il chante, il dégouline de sincérité. Tout est toujours parfaitement calé. Il emboîte la mélodie comme peu sont capable de le faire. Toute sa réussite tient à ce simple fait : c'est une bête de chanteur, la voix toujours est juste, la respiration bien calée, les sentiments à fleur de peau.

Sa carrière atteint son apogée avec Niney sur le superbe album Wolves And Leopards, avec une pochette magnifique d'inspiration mystique signée Castro Brown, en 1977. travailler ensemble est ce qui est arrivé de mieux à l'un comme à l'autre, tant pour leur carrière réciproque que d'un point de vue humain.

En 1979, il sort une nouvelle version de Money In My pocket qui atteint enfin les charts anglais. Dennis Brown semble alors proche de rattraper Bob Marley à l'international mais malheureusement ça ne sera jamais vraiment le cas. L'ère digitale approche à grands pas et Dennis Brown, comme beaucoup d'autres, manque le coche. Il ne disparaît pas et fait appel à de nouveaux producteurs : Prince Jammy, Sly et Robbie, mais la magie n'opère plus vraiment. C'est à ce moment-là, alors qu'il gît à terre, lion couché sur le flanc, qu'on commence à parler de cocaïne. Il ne disparaît pourtant toujours pas : on le voit régulièrement sur la scène du Reggae Sunplash Festival en compagnie de son pote Gregory Isaacs, l'autre Bad Superstar, il continue à sortir des albums, parfois un peu décevants, soyons honnête.

Lorsqu'il meurt, en 1999, les plus grands lui rendent hommage, à commencer par Bob Marley (non je déconne, c'était pour voir si vous suiviez). Quoiqu'on en dise, et peu importent les coups du sort, il a été, et restera, l'un des chanteurs les plus aimés de son pays. Et quand on connaît la place que les jamaïcains accordent à la musique, on mesure pleinement la portée de l'exploit. C'est pas rien de le dire.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article