Heavy Fight Inna Dancehall Style

Publié le par Benjamin Mimouni

Yellowman vs Charlie Chaplin The Negrill Chill Challenge

Yellowman vs Charlie Chaplin The Negrill Chill Challenge

 

Mon album préféré s'appelle The Negrill Chill Challenge, un live en forme de battle entre Yellowman et Charlie Chaplin, plus quelques DJs gravitant autour de la figue légendaire du roi soleil (Yellowman, pas Louis XVI). Depuis la fin des années 70 et jusqu'au milieu des années 80, ce dernier domine tellement le dancehall que tous les autres semblent un peu moins brillant en comparaison, même si les autres ne sont pas n'importe qui : Josey Wales, Charlie Chaplin, Fathead, Purpleman, Sister Nancy. On pourrait trouver une comparaison avec des joueurs de foot mais là tout de suite je ne vois pas, et j'ai pas trop envie de chercher.

Dans les albums crédités aux noms de plusieurs DJs, on distingue deux cas de figure, soit la collaboration, soit le clash. Yellowman a enregistré pludieurs albums en collaboration avec d'autres à cette époque : Bad Boy Skanking avec Fathead en 1982, produit par Junjo Lawes, sur lequel on trouve une version de Bam Bam, posée sur le riddim Stalag17. Les deux chanteurs ne s'affrontent pas, ils se répondent, s'interpellent et reprennent en chœur les refrains. Les premiers à avoir utilisé cette technique du call-and-response étaient Michigan et Smiley, déjà produits par Junjo Lawes. Yellowman et Fathead leur rendent d'ailleurs ici un hommage en forme de clin d'œil, détournant les paroles d'une de leurs chansons : « Come when Jah call you » devient « Come when I call you, darling », c'est plus slackness, c'est sûr.

La même année, Junjo produit un autre album : The Yellow, The Purple and The Nancy, calé sur le même fonctionnement mais cette fois-ci il y a quatre Djs malgré ce qu'annonce le titre : en plus de Yellowman, Purpleman et sister Nancy, il y a Fathead, le même que pour l'album précédent, c'est vrai que c'est un peu dur à suivre.

En ce début de décennie, Yellowman est imbattable. Les autres ne peuvent que s'associer à lui, profiter de son aspiration, pas l'affronter. Est-ce qu'on affronte un train lancé à toute vitesse? Ce n'est que quelques années plus tard que sa couronne va commencer à vaciller. Même en 1984, quand Junjo produit le célébrissime Two Giants Clash entre Yellowman et Josey Wales, les choses commencent à bouger mais restent plus ou moins identiques, chacun reste sur son quant à soi, le statut quo est maintenu, round d'observation, chacun reste dans sa zone, et le clash n'est pas encore si frontal, malgré ce que nous laisser entrevoir la pochette : les deux géants sont face à face, le micro à la main, marchant sur les buildings comme Godzilla et King Kong. Pourtant chacun des deux chanteurs reste bien cantonné dans son coin du ring, sur sa propre face du vinyle. On ne se mélange pas les sillons. Je n'entre pas plus avant dans les détails car un article consacré rien qu'à cet album est prévu très prochainement.

Mais les choses changent peu à peu . Les années ont passé et Yellowman a perdu de sa superbe. D'autres ont commencé à lui disputer le titre. C'est dans cette nouvelle configuration que se déroule le Negrill Chill Challenge, le 21 février 1987 au Negril Tree House, l'un des meilleurs endroits pour la musique live en Jamaïque. « This is it », comme le dira plus tard Michael Jackson. On y est. Voilà comment est introduit le concert. Ce sont deux écoles qui vont s'affronter. Deux modes. D'un côté le roi déchu qui n'est plus que l'ombre de lui-même, si tant est que le soleil puisse avoir une ombre, pour qui le clash va représenter un dernier rugissement, qui n'a plus que le nom et la gueule, le titre sans la cour. La gloire est déjà derrière lui. Il représente toujours le style slackness. De l'autre un challenger en pleine bourre, moins léger, plus conscient, il vient d'ailleurs de recevoir un « conscious DJ award » en Angleterre. Deux styles. Deux personnalités. Deux âges.

Yellowman attaque avec un rap rude, se défend avant même d'être attaqué sur ce terrain, en prétendant qu'il peut être lui aussi culturel, selon l'humeur. Charlie est désarçonné, il ne sait quoi répondre, mais se lance quand même. Finalement, après quelques errements, le truc prend forme et les deux Djs parviennent à se partager la scène après un clin d'œil à leur grand ami commun : Josey Wales.

Le concert se termine en « combination style. Charlie Chaplin and Yellowman together ». Vous en connaissez beaucoup, vous, des disciplines où les combattants finissent par chanter bras dessus bras dessous en rigolant, comme des rugbymen à la troisième mi-temps? Le reggae est de celles-là.

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